Mercredi 10 avril | SIDO, salon international dédié à l’IA et à l’IoT.  Sylvain Denoncin est intervenu lors de la conférence : « Tech for Good : La ville intelligente au service des citoyens et de leur bien-être ».  Une merveilleuse opportunité pour expliquer comment l’IoT nous a ouvert de nouvelles perspectives pour créer une ville plus inclusive. Démarche qui a entre autres séduit la ville de New York ! Vous ne pouviez pas être présents ? Voici la vidéo de son intervention et son contenu ! 

Benoit Loeillet  –  Bienvenue à cette table ronde dédiée à ce qu’on appelle le « Tech for Good ». Pour commencer, une première question qui est pour moi essentielle dans cette démarche-là : On parle beaucoup de « Tech for Good », la ville intelligente au service du bien-être des habitants. La première question que je veux vous poser est si, en quelques mots, vous pouvez nous présenter ce qu’est pour vous la ville intelligente.

Sylvain – Bonjour à toutes et tous. Sylvain Denoncin, je suis associé chez OKEENEA.  OKEENEA dont la mission est de rendre la ville accessible aux personnes en situation de handicap. Je dirige en fait deux entités : OKEENEA Tech et OKEENEA Digital, et par ailleurs, je suis président de l’association nationale des professionnels de l’accessibilité en France qui regroupe une cinquantaine d’entreprises [AFPAPH].
Si l’on parle de Smart City, la première réponse que nous allons formuler, c’est que la Smart City est un moyen. C’est une techno, mais pour quoi faire ? A quoi ça sert, finalement, la Smart City ? Si c’est pour poser des capteurs, c’est très bien, mais il faut vraiment qu’on se pose d’abord la question de l’usage.

A mon tour de vous poser une petite question : d’après vous, combien de personnes – et ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’OMS – combien de personnes dans le Monde sont en situation de handicap ? … Je vous laisse faire votre petit calcul… Le chiffre est assez facile à retenir : on est autour de 1 milliard ! Pour l’OMS, si je ne prends que les personnes déficientes visuelles dans le Monde, ce sont 253 millions de personnes qui sont concernées (NdR: voir notre article sur les chiffres du handicap dans le monde), au sens médical du terme, par une déficience visuelle. L’enjeu, il est là : faciliter l’accès de la ville, la sécurité et la mobilité à ces populations-là. Puisque la Smart City, c’est aussi un enjeu et une rupture, en ce sens que la Smart City peut augmenter l’exclusion et les difficultés de pratiquer la ville de ces personnes-là, ou, si on prend le bon côté de la pièce, faciliter leur mobilité et leur autonomie.

La Smart City, c’est aussi un enjeu et une rupture, en ce sens que la Smart City peut augmenter l’exclusion et les difficultés de pratiquer la ville de ces personnes-là, ou, si on prend le bon côté de la pièce, faciliter leur mobilité et leur autonomie.

Benoit Loeillet  – Merci Sylvain. Vous l’aurez compris, aujourd’hui, pour ces 45 minutes qu’on va partager ensemble, on va explorer, évidemment, des retours d’expérience de déploiement de réseaux, de technologies, mais surtout, on va explorer, on va essayer d’aller capter les usages qu’il y a derrière, comment ça peut être utile, utile pour les habitants, pour la collectivité, pour d’autres acteurs, et essayer de comprendre justement les apports de ces nouvelles technologies, essayer de les rendre utiles au maximum. Nous allons essayer d’aller percer le secret des usages, des services rendus, et essayer d’aller comprendre finalement comment ces services sont captés par les habitants, par leurs utilisateurs, et surtout, quels sont les retours d’expérience, les enseignements. Continuons avec Sylvain Denoncin d’Okeenea, avec un projet à New York.

Sylvain – Chez OKEENEA, notre métier historique, c’est de faire parler les feux pour les personnes déficientes visuelles. Quand vous entendez une petite cloche dans la rue, ou une voix qui dit « Rouge piéton », partout en France, c’est une petite voix qui vient de chez nous quasiment à tous les coups. Il y en a un peu plus de 200 000 en France. Ça sert aux déficients visuels à traverser la route en toute sécurité puisqu’ils ne bénéficient pas du petit bonhomme rouge ou vert.
En octobre 2017, il se trouve que la ville de New York, via son département des transports, publie un magnifique « call for innovation ». On est ravis. On l’apprend par nos différents canaux d’information. C’est un enjeu stratégique aujourd’hui d’avoir accès à toutes ces informations. Et donc, l’appel d’offres, je dirais, et c’est un des éléments structurants du propos que je tiens aujourd’hui : on a eu la chance de tomber sur un client, un maître d’ouvrage, un donneur d’ordres, qui a une vue claire de ses objectifs mais qui laisse pas mal de marge de manœuvre sur les moyens. Souvent, on va tomber sur des clients qui vont être plutôt techno-centrés, et qui vont nous éloigner du service rendu final. Là, la ville de New York dit, en substance : « Nous participons à un projet qui s’appelle « Vision Zero » – c’est un projet qui consiste à regrouper des villes américaines avec un objectif : zéro mort dans les rues à terme ». Et donc, ils mettent en place tout un tas de projets pour atteindre le zéro mort en ville. Cela va de la voiture connectée en passant par les usages des modes doux, et notamment les nouveaux accidents qui ont lieu avec ces magnifiques trottinettes qui pullulent dans nos rues, qui sont ont demeurant très pratiques, mais cela crée de nouveaux usages, de nouveaux conflits, de nouveaux risques. La ville dit, forts de ces constats-là, nous, ce qu’on peut vous dire, c’est qu’on souhaite réduire le taux d’accidentologie des personnes déficientes visuelles. Ça, c’est le premier objectif : améliorer leur sécurité. Ensuite, on souhaite fournir des usages à toutes les parties prenantes, forts de tout ce qu’on peut vous mettre à disposition, c’est-à-dire des poteaux de feux et une base de données temps réel que la ville a à disposition avec, par exemple, l’emplacement géolocalisé des travaux. Parce qu’à New York – pour ceux qui ont eu la chance d’y aller – il y a quand même beaucoup de travaux. Et donc, ils savent nous mettre à disposition en temps réel les emplacements où se trouvent les travaux.

On a eu la chance de tomber sur un client, un maître d’ouvrage, un donneur d’ordres, qui a une vue claire de ses objectifs mais qui laisse pas mal de marge de manœuvre sur les moyens.

La ville de New York lance ce « call for innovation » en l’air en octobre 2017. Il y a 45 entreprises qui se positionnent : une entreprise turque, 43 nord-américaines, Canada et US, beaucoup de fabricants de technos ou fabricants de signalisation tricolore lumineuse, comme on dit dans le milieu…, et une petite boite française de Lyon, installée à Champagne-au-Mont-d’Or. L’histoire dira que, quelques mois plus tard, au terme d’un long processus de sélection, c’est la petite française qui gagne. On est ravis de pouvoir mettre ça en œuvre. Et finalement, qu’est-ce qui nous a permis de gagner ? J’y reviendrai un peu plus tard, mais je pense que, génétiquement, notre société s’est créée autour de l’usage et pas autour de la techno.

C’est une personne qui travaillait dans les centres d’aide par le travail (CAT), pour les anciens qui connaissent ça – maintenant, ça s’appelle des ESAT – qui avait analysé, qui discutait beaucoup avec des personnes déficientes visuelles qui avaient des difficultés à traverser la rue. Ça se passait tout à l’oreille : quand j’entends le flux comme ça, ça veut dire que je vais pouvoir traverser la perpendiculaire, etc. Compliqué quand même, non ? Il est donc parti de cet usage-là. Il a déterminé un besoin qui était la télécommande qui fait parler le feu et il est allé voir, après, un bureau d’études en électronique pour développer la solution. Et finalement, 20 ans plus tard, la petite société, forte de ses 50 salariés, avait quand même une petite force de frappe pour répondre. Notamment, on a directement fait bosser dessus, non pas des ingénieurs, mais des designers de services, avec notre responsable innovation qui est dans la salle. Ils ont bossé à trois, de manière assez ardue pour, à partir de ces moyens qui étaient mis à disposition et de l’objectif fixé par la ville, faire une proposition de valeur qui intégrait l’ensemble, en tout cas un maximum, des parties prenantes et donc d’usagers. C’est là où on reviendra après pour dire qui sont nos usagers dans ce projet. (NdR voir notre histoire)

Benoit Loeillet  – Je vous propose maintenant d’échanger sur la manière dont vous avez pris en main, la manière dont vous avez capté et essayé de faire le lien avec les usagers identifiés. Comment vous avez intégré l’objectif final ? comment vous avez intégré les utilisateurs en termes de mobilité, en termes d’accessibilité ? J’aurais bien aimé avoir votre retour et votre point de vue le lancement et la démarche d’identification des objectifs à travers vos différents projets.

Sylvain – Comme je l’ai dit, nous sommes partis des usages. Il y a des évidences et des choses qui sont beaucoup moins aisées à identifier. On peut aller vite vers des évidences et passer à côté du sujet.

Pour donner un exemple – là, vous l’avez compris, l’enjeu était de sécuriser et d’améliorer la mobilité des déficients visuels au départ. On est tenté, forcément, de partir sur de l’appli, de la techno… Sauf que, quand on analyse les chiffres, 80% des 250 millions de personnes déficientes visuelles dans le Monde dont je parlais tout à l’heure, 80% ont plus de 50 ans. Alors, je ne dis pas que les seniors n’utilisent pas de smartphone. On voit bien que ce n’est pas le cas. Sauf que, il faut bien prendre en compte toutes ces personnes qui n’ont pas cette pratique-là, ou qui ne l’ont pas dans un cadre de mobilité. Le smartphone à la maison, pour consulter, c’est bien, pour téléphoner c’est encore mieux…

Bref, on a dissocié finalement l’usage au travers des personnes auxquelles on a adressé plutôt de la low-tech, pour faire simple : une petite télécommande à l’ancienne, on appuie sur un bouton, ça cause. On ne réinvente pas la poudre. Mais on a proposé ce dispositif-là puisque le système, c’est de placer un boîtier sur les feux piétons, avec de la techno dedans et qui va répondre à un certain nombre d’usages, notamment qui est relié au feu piéton qu’il vocalise. On garde notre système historique. La ville a été très sensible au fait que, pour des questions de discrimination, d’accès à la technologie, ce dont je viens de parler, mais aussi d’accès économique, puisqu’ils sont aussi attentifs aux minorités – puisque là, on est sur le territoire américain – et notamment des personnes qui ont des problématiques financières de pouvoir s’acheter un smartphone. Ceci étant, parmi les déficients visuels aujourd’hui dans le Monde, c’est 14% seulement qui ont un smartphone. Une fois de plus, il faut bien faire attention. Evidemment, on a fait cette télécommande plutôt low-cost, qui est simple, qui peut être distribuée gratuitement par la ville, qui répond à un usage très clair et précis : j’appuie, ça cause, je traverse la rue et je suis arrivé de l’autre côté en toute sécurité. Alors ça nous a valu aussi quelques aménagements techniques puisque la largeur des rues à Lyon, dans le Vieux-Lyon par exemple, n’est pas tout à fait la même que la largeur des rues à New York. Ça impose quelques petites contraintes supplémentaires, ce qui nous a fait notamment, en termes de techno, faire communiquer les deux modules de chaque côté de la rue via du Bluetooth 5.

Nous somme une des premières entreprises françaises à intégrer du Bluetooth 5 dans nos cartes pour les faire communiquer, synchroniser et créer une espèce de couloir sonore dans ces immenses avenues pour arriver à bon port, en vie, de l’autre côté de la rue. Ça, c’est s’agissant des déficients visuels. Mais si je regarde mes utilisateurs, j’ai les services techniques de la ville. Eux aujourd’hui, ce sont nos clients. On en a 200 000 en France, on sait que demain, ce sont nos clients nos utilisateurs. Comment leur faciliter la vie ? Aujourd’hui, nos systèmes, historiquement, ce sont des boites qui sont fixées sur des poteaux avec une carte électronique qui n’est pas connectée. Quand je dois faire une opération de maintenance, je dois venir au pied, vérifier s’il y a un défaut en cours. S’il y a un défaut, je peux faire une opération, mais localement. Maintenant, on a intégré un module GSM. On l’a préparé NB-IOT/LTE-M – pour les amateurs de techno… Si ça se déploie, on sera prêts. En tout cas, ça permet de remonter les défauts en temps réel à un système centralisé – ce que vous connaissez tous – de redescendre du paramétrage ou du flash firmware pour faire les mises à jour au besoin. Je parle un peu techno, ça fera plaisir aux adeptes… Ça, c’est pour la partie maintenance, parce que ça a un vrai coût en fait pour la ville. Et puis après, il y a le bureau du maire, qui est en charge du handicap. Eux, c’est le côté politique. Ils ont besoin de mettre en place des actions qui portent politiquement et qui impactent les « communautés », comme ils disent. Là, il y a tout un volet « service rendu » sur lequel on va les accompagner, les retours d’expérience sur le territoire européen qu’on a pu avoir. C’est un autre client.
Et puis à côté de ça, à partir du moment où on met du Bluetooth 5, que c’est connecté, que la base de données de la ville est disponible, on a travaillé des usages en termes de géolocalisation, en se disant, à New York, il y a des grands immeubles, le GPS n’est pas très précis, le rayon de courbure de la terre, etc. On pourrait pousser du contenu géolocalisé en fonction du profil de l’utilisateur. Ça, on a commencé à travailler dessus. Du coup, ils nous disent : on pourrait utiliser vos Bluetooth 5 pour des applis tierces pour le tourisme. Le Département du Tourisme est intéressé pour pousser du contenu sans avoir de la data.

Nous sommes une des premières entreprises françaises à intégrer du Bluetooth 5 dans nos cartes pour les faire communiquer, synchroniser et créer une espèce de couloir sonore dans ces immenses avenues pour arriver à bon port, en vie, de l’autre côté de la rue.

Dernière chose, sur la manière d’aborder le sujet, il y avait ces fameux pools de data que la ville nous met à disposition. Nous, on n’est pas spécialistes de data. On est donc allés s’attacher les services d’un autre Français qui s’appelle Connecthings, dont le métier est justement d’aller taper dans les pools de data. Ils travaillent à Marseille pour les bases de données de la ville – vous devez les connaitre peut-être. Avec eux, on a mis en place le système pour aller filtrer les données, les redescendre. Et nous, ça nous permet très concrètement, pour donner deux-trois usages : de prévenir un utilisateur quand un bus va arriver à proximité sur son itinéraire, de lui dire « Attention, dans cette rue-là, il y a des travaux, il va falloir changer de trottoir… » Ce qui est aujourd’hui un enfer pour les déficients visuels – c’est le cas à Lyon – vous arrivez juste dans un cul-de-sac sur un trottoir et vous ne savez pas comment faire. On a aussi la problématique des modes de transports doux (trottinettes, vélos…). Il y a des voies qui sont dédiées, voies pour bus ou voies dédiées, c’est un enfer pour les personnes déficientes visuelles. Au-delà de la trottinette qui est plantée au milieu du trottoir, et qui crée un obstacle supplémentaire, il y a l’usage qui fait que, le gars en trottinette à 25 km/h, il a le feu orange, le vert piéton se met en route, il se dit : « De toute façon, tout le monde me voit arriver, donc ils vont bien me laisser passer. » Manque de bol, il y a quelqu’un aveugle avec sa canne, il démarre et ça fait boom. Comment on peut faire ce genre de choses ? Ils ont voulu tester avec nous le fait de créer ces boîtiers qui soient lumineux, clignotants, pour prévenir les autres utilisateurs qu’une personne dite vulnérable est à proximité et qu’il faut peut-être faire un petit peu plus attention qu’à la normale.
On voit qu’à travers un système de base qui permet juste la traversée, il y a tout un ensemble d’usages, notamment pour les autres types de handicaps. On va pouvoir leur pousser de l’info contextuelle adaptée à leurs besoins. Et le smartphone là-dedans, ce qu’il a de formidable, c’est que ça nous permet de pousser le contenu dans la bonne modalité sensorielle, dans le bon mode, et de singulariser le message.

Benoit Loeillet  – Question complémentaire du coup : est-ce que ces nouveaux usages, vous les aviez identifiés avant de déployer vos systèmes ou ils sont venus au fur et à mesure à force de déployer, de tester, de vous rendre compte qu’il y avait une certaine demande là-dessus ?

Sylvain – C’est le merveilleux ping-pong qu’il est toujours un peu compliqué d’orchestrer entre tout ce qui est design de services et ingénieurs technologues. Quand ce dialogue-là se passe bien, on va identifier des besoins et des technos qui permettent de, voire dire : « Tiens, techniquement, aujourd’hui, on peut même faire ça. » Ça va recréer des discussions autour des besoins complémentaires. Pour moi, dans une boite comme les nôtres en l’occurrence, dans les enjeux stratégiques, c’est bien la capacité de communiquer entre toute la partie usage/marketing et la partie techno. Là, il y a vraiment un point essentiel. Pour répondre à ta question plus directement, il y a des usages qu’on avait déjà pressentis et le fait d’avoir quelqu’un comme New York qui vous dit : « Oui, ça, ça m’intéresse. », tout de suite, ça donne un peu plus corps à ce qu’on s’était dit entre quatre murs.

Il y a des usages qu’on n’avait pas identifiés, c’est cette histoire de boitier clignotant. Il y a des biais culturels, des biais liés à la géographie comme la largeur de la rue. Exemple de biais culturel, en France, si vous dîtes à un déficient visuel : « Il y a une boite qui va clignoter quand tu vas traverser la rue », il va vous dire : « Ah non non, moi, je ne veux pas être vu, surtout, je veux pas sortir mon smartphone, quand je me déplace, ça fait du bruit… » J’ai donc des biais culturels qui font que je dois adapter mon système à l’usage local. Le smartphone en France, si je fais de la techno pour des déficients visuels, il doit rester dans la poche. Il doit fonctionner en situation de mobilité sans être sorti. En l’utilisant comme une boussole, si j’ai mon bel iPhone bien tendu dans la main alors que je me promène dans une gare, je crains de me le faire piquer. Quand je suis aveugle, pas évident de poursuivre la personne qui me l’a piqué. Aux Etats-Unis, ils n’ont pas cette même appréhension et il y a moins cette problématique du regard. Quand c’est la ville qui nous dit : « Faites l’inverse de ce que vous faites d’habitude, mettez de la lumière sur ces personnes-là pour éviter les conflits d’usage, les chocs et améliorer la sécurité », ça, on ne l’avait jamais vu, ça allait plutôt à l’encontre de ce sur quoi on travaillait en France.

Benoit Loeillet  – Sur les enseignements, même si, à l’instar des autres projets, vous êtes au début, quels sont les enseignements de manière général sur ces différents projet ?

Sylvain – En général, premièrement, on ne fait jamais assez d’usage. On ne travaille jamais suffisamment là-dessus. Il faudrait beaucoup de temps et adapter la solution en temps réel. Ça, c’est la première chose. Dans le cas de New York, le client était dans une démarche de POC. Il se trouve qu’il y a un autre projet sur lequel on travaille, à Marseille, où le client partait directement sur la solution technique. C’était un appel d’offres pour le coup, plutôt ciblé SSII, entreprise de « dev ». Nous, on s’est permis d’ajouter toute une phase d’usage, de concertation avec les utilisateurs qui n’était pas du tout prévue au marché. Mais je crois que ça a fait tilt dans la tête du client en l’occurrence : « Ce n’est peut-être pas idiot quand même d’aller discuter à un moment avec les utilisateurs. » A nous d’assumer le portage de cette partie-là. Parce que, oui, les donneurs d’ordres ne sont pas équipés, outillés, habitués à piloter une concertation d’usage. Soit vous pouvez le faire en interne, et c’est en fait renforcer l’offre de valeur que vous portez à votre client que de le faire à sa place. Vous avez aussi plein de boites qui font ça à merveille si vous n’avez pas la capacité de le faire en interne.
Dernière réflexion : on parlait de « est-ce qu’on avait prévu des usages ? », nous, on a fait aussi des journées de réflexion sur comment on peut potentialiser tout notre système. Au cours de ces réflexions, on avait notamment soulevé des projets potentiels comme mettre des capteurs de pollution sonore. A Lyon, on doit avoir environ 9 000 boîtiers dans la rue, qui mesurent. On a un micro dessus, on sait mesurer le bruit, ou la pollution pourquoi pas. On peut faire plein de choses. Mais à un moment donné, il faut : choisir ses combats et savoir revenir à son métier, à ses basiques, quelle est sa mission. Choisir c’est renoncer. Bien garder en tête son métier.

Nous, notre métier c’est faire l’accessibilité de la ville. Si, par hasard dans le futur, on devait remonter des data qui ne sont pas les nôtres, on resterait bien sur notre métier de base, qu’on maîtrise, et après, on pourrait donner de la data à d’autres pour qu’ils fassent leur métier à leur tour.

Benoit Loeillet  – Il nous reste à peine quelques minutes pour les questions. Est-ce que vous avez des questions ? N’hésitez pas à poser vos questions ou à venir interagir avec nos intervenants juste après.

Question du public – Bonjour à tous. J’avais une question sur le projet de New York. Vous parlez beaucoup d’usage. En amont du projet, est-ce qu’il a été décidé également que les usagers, des citoyens seraient impliqués dans le déploiement du projet et dans la façon dont il serait géré une fois validé ?

Sylvain – La partie déploiement du projet a deux phases. Une première phase technique : ce sont bien les services techniques de la ville qui vont valider le produit, le tester in situ sans surtout mettre d’utilisateurs derrière, vérifier qu’au niveau des tensions électriques, tensions résiduelles, il y a une compatibilité avec les matériels qui sont mis en place là-bas. Il y a un certain nombre de différences. En tout cas, ils vont tester le produit, c’est une première phase. On fait des aller-retours, on modifie la solution au regard de leurs retours. Là, on est dans le pur technique, mais aussi client utilisateur final qui est le mainteneur.
Deuxième phase : une fois que c’est qualifié par la ville, mis en place sur site réel, ça va être installé notamment à l’angle des 7e rue et 23e avenue pour ceux qui veulent aller faire un petit tour là-bas… Là par contre, il y a un panel d’utilisateurs et donc des retours d’usage. Et pour bien cibler – je n’ai pas détaillé mais il y a pas mal de fonctions associées à la solution- on a prévu, nous – et New York sera d’accord – de phaser les fonctionnalités qu’on va activer. On va partir du plus basique, du plus simple, du plus efficace, du cœur de la demande, faire tester ces fonctions-là puis amener d’autres fonctions et les faire tester. Si on arrive avec 100% de fonctions, on va se retrouver avec peut-être trop de choses à tester. Ça va diluer le propos, ça va diluer le retour d’expérience. On phase les retours. Ça va nous permettre, nous, en accompagnant le client, d’avoir des retours plus qualitatif pour faire évoluer la solution, on l’espère, vers un déploiement massif dans cette jolie ville.